Au 13e siècle, de retour de leurs croisades en Orient, les chevaliers français ont rapporté avec eux des tapis sarrasinois (nommés ainsi pour faire référence à leurs ennemis sarrasins). Au cours des siècles suivants, d’autres tapis d’Orient ont continué à trouver leur chemin vers l’Occident mais ils étaient encore rares et dispendieux. Par conséquent, en 1608, Henry IV, le roi de France de l’époque, a promu un noble maître tisseur prénommé Pierre Dupont qui revendiquait la découverte du moyen de créer un tapis à la façon perse et du Levant. Ainsi, un atelier fut ouvert au Louvre. Henry IV était si satisfait des œuvres de Dupont qu’il a décrété que les tapis de l'atelier du Louvre devaient être réservés à la famille royale, juste avant sa mort en 1610. En 1627, son fils, Louis XIII - âgé de 26 ans - a ordonné à Pierre Dupont d’ouvrir un nouvel atelier à la Savonnerie, une ancienne fabrique de savon. Les tapis, principalement créés pour la famille royale, étaient fabriqués à partir de laine très fine d’approximativement quatre-vingt-dix nœuds au pouce carré. Un tisserand expérimenté devait travailler pendant une année complète pour produire environ trois mètres de tapis et même encore plus pour la création de motifs plus complexes. Les conceptions créées par les artisans de la cour étaient composés d’arrangements floraux, de références militaires et héraldiques et de motifs architecturaux. La chaîne de tissage était faite de trame de lin et de laine et était composée de nœuds symétriques.
Les tapis Savonnerie produits pendant les premières années de règne de Louis XIV ont connu beaucoup de succès sous la direction de Simon Lourdet, disciple de Pierre Dupont. Ils étaient considérablement ornés de fleurs, parfois en bouquets, dans des vases ou dans des paniers, sur un fond bleu foncé, noir ou brun avec de grandes et multiples bordures. Les designs étaient basés sur les étoffes et les peintures néerlandaises et flamandes. Les tapis Savonnerie les plus connus sont issus de la série produite pour la Grande Galerie et la galerie d’Apollon du palais du Louvre entre 1665 et 1685. Ces 105 chefs-d’œuvre fabriqués sous la direction artistique de Charles Le Brun n’ont jamais été exposés puisque Louis XIV a déplacé la cour au château de Versailles. Leur design combine des feuilles d’acanthe, de cadres architecturaux et de scènes mythologiques aux emblèmes du pouvoir royal de Louis XIV.
Bien que les tapis faits pour couvrir le plancher et les tables étaient la principale production de la manufacture de la Savonnerie, on y produisait aussi des tapisseries et des copies de peintures à l’huile qu’on accrochait aux murs. Depuis que le gouvernement eût interdit l’importation de tapis de l’Orient, la manufacture a bien prospéré. En plus des autres cadeaux, le roi de France, Louis XV, a offert des tapis Savonnerie au sultan ottoman en 1742. Pour cette occasion spéciale, il voulait impressionner le sultan par la richesse et la qualité des tapis français avec des tapis à bordures dorées. La plus grande période qu’ont connu les tapis Savonnerie fut entre 1650 et 1789.
Louis XV a apporté une évolution de style dans le milieu de la tapisserie. Tandis que le style de tapis de Louis XIV dégageait de la puissance et imposait un sens de respect et de gloire par ces nombreuses armes et armoiries, les tapis de Louis XV sont charmants, élégants et invitent plutôt à la détente et aux futilités de la cour. Cela est dû à l’épanouissement rocaille de Pierre-Josse Perrot, le plus célèbre designer de tapis du milieu du 18e siècle. Il se spécialisait dans le type de décor rocaille riche et agrémentés de nombreux motifs: couronne, palmes, cornes d’abondance, carquois, coquillages, volutes, guirlandes de fleurs, feuilles d’acanthe, etc. La manufacture de la Savonnerie fut réunie à la manufacture des Gobelins à Paris en 1826.
La manufacture de Beauvais, bien connue pour la qualité exceptionnelle de leurs tapisseries, quasiment égales à la manufacture des Gobelins, a aussi produit des tapis à points noués entre 1780 et 1792.
La création de tapis dans les petits ateliers privés de la commune d’Aubusson à commencé au 17e siècle, mais c'est à partir de 1743 que la manufacture d'Aubusson a été établie. Grâce à l’eau pure de la Creuse, la production de tapis et de tapisseries fait la réputation de la région au milieu du 18e siècle et c'est encore le cas aujourd’hui. Les habitants de la commune et des villages avoisinants utilisaient l’eau de la rivière comme base pour les teintures, l’élevage des bovins lainiers et la culture des plantes tinctoriales. À cette époque, puisque le roi de France était le seul à avoir le droit de posséder et de vendre les tapis Savonnerie, le développement des tapis Aubusson a bien prospéré. Ces tapis plats à points noués imitaient les designs des tapis Savonnerie, ce qui, par la suite, a suscité une grande demande chez les riches communautés européennes. Les tapis Aubusson honoraient les planchers européens aux 17e et 18e siècles. Les tapis produits en France utilisent les nœuds symétriques.
De nos jours, on retrouve la plupart des tapis Savonnerie du 17e et 18e siècle seulement dans les grands musées du monde. Toutefois, la production de tapis français se poursuit jusqu’à ce jour, reproduisant à la fois les anciens modèles et créant, sous commission, de nouveaux designs conçus par des artistes contemporains.
Sources et inspiration : BÉRINSTAIN, Valérie, et al. L'art du tapis dans le monde, Paris, Mengès, 1996, 378 p. ; JERREHIAN JR., Aram K. A. Oriental Rug Primer, Philadelphie, Running Press, 1980, 223 p. ; HERBERT, Janice Summers. Oriental Rugs, New York, Macmillan, 1982, 176 p. ; HACKMACK, Adolf. Chinese Carpets And Rugs, Rutland et Tokyo, Tuttle, 1980, 45 p. ; DE MOUBRAY, Amicia. et David BLACK. Carpets for the home, London, Laurence King Publishing, 1999, 224 p. ; JACOBSEN, Charles. Oriental Rugs A Complete Guide, Rutland et Tokyo, Tuttle, 1962, 479 p. ; BASHIR, Shuja. communication personnelle, s.d. ; Sources de sites web et dates de consultation variées (à être confirmées). Utilisé sous toutes réserves.